Maria Cristina Aguirre : La psychanalyse avec les enfants

Je remercie les collègues du Pont freudien de m’avoir invité pour traiter ce sujet difficile, ce qui m’a donné l’occasion de faire la connaissance de la ville de Montréal et de leur travail. Je remercie aussi Annick Passelande pour sa présentation et je dois dire que je ne sais pas si je saurai être à la hauteur de tout ce que vous avez déplié ; je ne ferai que mettre les pas dans ce que vous avez déjà tracé, en somme, comme parcours.

Par rapport à ce que vous évoquiez au départ, de la découverte de ce phénomène du transfert, il faut d’abord rappeler que ce fut quand même une surprise pour Freud, puisque la méthode psychanalytique qu’il inventa s’est d’abord présentée comme une méthode de déchiffrage, de lecture, dans laquelle l’analyste apprenait à l’analysant à lire sa propre parole, à lire ses propres manifestations de l’inconscient ; et ce fut une surprise lorsqu’il constata que l’analysant, les patients manifestaient de l’intérêt pour la personne qui les aidait à déchiffrer. Sous diverses manières, ils manifestaient de l’intérêt, un intérêt qui venait encombrer, faire obstacle à cette opération de déchiffrage.

Il a appelé ça, donc, l’« amour de transfert », transfert dans le même sens où, dans un rêve, par exemple, il y a déplacement des traits d’un personnage de la vie du sujet sur un autre personnage, sur un personnage du rêve. Transfert d’un personnage à l’autre, des traits d’un personnage à l’autre. Donc, après avoir considéré que cet attachement, cet intérêt pour l’accompagnateur du déchiffrage, pourrait-on dire, était un obstacle, un encombrement, était inopportun, Freud finit par lui donner une connotation positive jusqu’à en faire une condition sine qua non de ce travail de déchiffrage. Connotation positive dans la mesure où ce déplacement, ce transfert, pouvait être considéré comme une forme de levée du refoulement, de retour du refoulé, d’une part, et, d’autre part, parce que ce déplacement sur l’analyste des personnages, des prototypes parentaux, notamment, conférait à l’analyste l’autorité même dont il pouvait bénéficier pour aider l’analysant dans le déchiffrage. Surtout lorsque l’analysant ne savait pas bien lire son inconscient, l’autorité qui lui venait du transfert permettait en somme à l’analyste de faire accepter l’interprétation.

Néanmoins, cet avantage, cette connotation positive du transfert s’est quand même à nouveau retournée en une forme d’obstacle insurmontable, une forme de résistance qui faisait que, en somme, il y avait quelque chose d’indépassable dans l’attachement du sujet, du névrosé en analyse à sa névrose, à son mal-être, et à la personne du médecin, comme dit Freud. Arrivé à un certain moment de la cure, il y avait là un attachement à la névrose et à la personne du médecin qui paraissait ne pas pouvoir être dépassé ; c’est ce que Freud appela, à ce moment-là, la « réaction thérapeutique négative », qui le porta à faire l’hypothèse qu’il devait y avoir dans l’être humain une étrange pulsion qui poussait l’individu à ne pas vouloir ce qu’il avait pourtant demandé, et qui était sa guérison. Étrange pulsion, donc, qu’il appela « pulsion de mort ». Et au fond, avec Freud, la question de cette résistance du transfert comme obstacle à l’avancement et à la conclusion de la cure était restée en impasse, en friche.

Ce sont surtout les analystes après Freud qui ont pensé trouver comme solution à cette impasse – au fait, donc, que l’attachement à la personne de l’analyste, du médecin, était simultanément un attachement au symptôme – …ils ont trouvé comme solution d’interpréter l’effet même produit par l’interprétation. Si l’interprétation de l’analyste produit cet attachement à lui, ce lien apparemment indissoluble, on a pu penser qu’interpréter l’effet de l’interprétation, donc cet attachement, allait permettre de le surmonter. Ce qui ne faisait, comme vous pouvez le supposer, que redoubler l’impasse, puisque interpréter cette erreur sur la personne, dire à l’analysant que son attachement provenait de la répétition d’un ancien lien à un prototype parental, dire, donc, qu’il s’agissait d’une erreur sur la personne, était entendu de la place même où il y avait erreur sur la personne. Ce que l’autorité parentale, ce que l’interprétation du transfert aurait dû dissoudre, était ce qui permettait en même temps à cette interprétation même de se proférer. C’est à partir d’une position d’autorité transférentielle que l’interprétation du transfert pensait dissoudre cette autorité même.

C’est dans ce contexte... Il faut dire que l’interprétation du transfert comme réponse à son indissolubilité est devenue, dans l’histoire de la psychanalyse post-freudienne, donc, l’axe principal de l’action analytique : interpréter le transfert, malgré l’impasse que je viens d’évoquer. Au fond, cette idée mettait essentiellement l’accent sur le fait que le lien, l’attachement produit dans la cure analytique était la répétition d’un ancien lien, dans l’actualité, sur le fait que c’était essentiellement un produit spontané de l’appareil psychique du sujet dans lequel l’analyste n’avait rien à voir. En somme, c’est le fonctionnement autonome de l’appareil psychique qui finit par produire cette manifestation d’attachement qui reproduit, qui répète un ancien lien, l’analyste se situant par rapport à cela comme un spectateur, comme quelqu’un qui n’est pas impliqué. Donc le transfert, du point de vue de l’interprétation du transfert, est considéré comme la manifestation, justement, d’un appareil psychique qui serait en somme fermé sur lui-même, rapport interne à cet appareil psychique qui produirait des manifestations par rapport auxquelles l’analyste n’aurait que la position de spectateur ou d’interprète sans implication, sans implication de sa position.

Lacan a pris les choses par un autre biais et, d’une certaine façon, il les a renversées en mettant d’abord l’accent sur le fait qu’il existe un lien actuel, de l’analysant à l’analyste, qui n’est pas simplement la répétition d’un lien ancien. Pour ce dire, il part, différemment, donc, de la plupart des analystes de l’après-guerre ; il part d’une toute autre conception du sujet, qu’il définit essentiellement comme relationnel, comme étant en relation à l’autre, et comme déterminé par les relations que l’autre a avec lui. Par opposition, donc, à une conception solipsiste, à une conception du sujet fermé sur lui-même. Le sujet est inséparable des liens, du lien, qu’il établit avec l’autre. C’est sa définition : un sujet est ce qui a relation à l’autre.

Cette conception du sujet se répercute immédiatement en une conception du lien analytique moyennant une distinction – que Lacan introduit entre le lien symbolique actuel, le lien de parole du sujet à l’autre et ce que, dans un premier temps de son enseignement, il situe justement comme transfert. Lacan distingue le lien analytique symbolique de parole avec l’autre – sur le plan symbolique donc – du transfert, qu’il situe sur l’axe imaginaire. L’axe imaginaire c’est l’axe des phénomènes, justement, des reflets, des ressemblances, qui fait que telle personne peut rappeler une autre personne, être mieux qu’une autre, moins bien… enfin tous ces phénomènes imaginaires de comparaison, d’agressivité, de rivalité, d’érotisme. Tout cela, Lacan, dans un premier temps, donc, le situe sur cet axe imaginaire, sur lequel il place également le transfert comme répétition, comme ressemblance entre les personnages parentaux et les personnages actuels. Il distingue cela de l’axe symbolique, sur lequel se déroule la parole qui va de l’analysant à l’analyste. Il y a donc, distinction de ces deux plans, distinction entre la dimension imaginaire de répétition et la dimension actuelle de parole.

Si j’avais eu un tableau, j’aurais fait un petit graphe, mais que vous connaissez. Sur l’axe imaginaire, vous avez l’autre du sujet, désigné avec la même lettre : petit a –pour montrer qu’il s’agit, justement, de ces échanges, de ces reflets, de ces ressemblances perceptives imaginaires – distingué de l’axe où l’Autre est écrit avec un A majuscule, un grand A, et qui est, donc, l’Autre de la parole . Lacan souligne le fait que l’adresse de la parole n’est pas simplement la personne que vous avez en face de vous et qui peut, à l’occasion, rappeler d’autres personnes, etc., et entrer dans ce jeu de reflets imaginaires ; l’adresse de la parole va au-delà de ce qui se voit, va au-delà de la dimension imaginaire, et vise l’instance d’où ce que j’aurai dit aura été entendu, aura été reconnu, aura été entériné. Donc, la dimension de la parole met en jeu un autre Autre que l’autre des rapports copain-copain, des rapports duels, des rapports de ressemblance ou de dissemblance. C’est une dimension tierce qui donne à la parole une dimension d’acte. C’est pour cela que cette dimension symbolique de la parole, Lacan la suggère, l’évoque en parlant des faits humains qui consistent essentiellement dans la parole. Donc, le fait de promettre, de donner sa foi, de jurer, de faire confiance, enfin toute cette dimension de la parole, est une dimension d’acte qui est à distinguer de la perception du vis-à-vis situé en face de moi ; au moment même où je parle, je me situe en même temps sur ce plan symbolique. L’analyste a situé sa position sur cet axe symbolique en se distinguant de l’axe imaginaire, de l’axe duel où il peut être pris par l’analysant en fonction de cette dimension, de ce phénomène de rappel, de ressouvenir, de ressemblance. Il se situe comme l’Autre de cette parole et non pas comme l’autre du phénomène d’agressivité, d’investissement, d’érotisme.

C’est donc une première distinction qui met en même temps l’accent sur le fait qu’il y a un lien symbolique actuel, à distinguer, donc, des phénomènes de la répétition. Et, dans un deuxième temps, cet Autre de l’axe symbolique n’est plus simplement défini comme l’Autre de la parole, il est aussi défini comme l’Autre du langage, du champ du langage, en entendant par « langage » pas simplement une fonction psychologique, une fonction individuelle, mais comme le champ même qui dépasse les individus et dans lequel se produisent des effets de sens, du fait même des connexions, des substitutions de signifiants entre eux, des effets de sens qui me dépassent par le simple fait que je passe par la parole, par le simple fait que j’entre dans un système de la langue. C’est ce champ trans-individuel, trans-psychologique aussi, qui portera, qui porte le nom de « grand Autre », d’ « Autre », qui va aussi permettre de situer, d’élargir, de prolonger cette première distinction entre l’autre, les petits autres imaginaires, l’axe imaginaire, et l’axe symbolique de la parole, qui devient également, donc, l’axe du langage, l’axe des phénomènes de sens en tant que déterminés par le langage.

C’est par rapport à cet axe symbolique que l’analyste doit régler sa parole. C’est donc, dans l’actualité même de ce lien du sujet au grand Autre de la parole et du langage, que l’analyste doit régler ses interventions, en faisant écho, en ponctuant les effets de sens, les effets de vérité qui surgissent du fait même que le sujet passe à travers la parole, et qu’en parlant, il en dit plus qu’il n’avait en vue de dire ; il en dit plus qu’il en savait du fait, simplement, par exemple, de certaines équivoques, de certains doubles sens qu’il y a dans la prononciation d’un mot. Il relève ce que le sujet dit, au-delà de ce qu’il avait l’intention de dire, dans le champ du langage où sa parole se produit. Il est là comme pour donner une résonance signifiante à ce que l’analysant dit. Il se place donc en ce grand « A » et c’est là-dessus qu’il règle son intervention. Il ne règle pas son intervention sur ce qui se passe sur l’axe imaginaire. L’axe imaginaire n’est pas, comme on dit, neutralisé, n’est pas exclu, bien sûr, du champ de la présence, du champ de la rencontre analytique, mais c’est sur l’axe symbolique qu’il doit régler son intervention.

Si, par exemple, une analysante, comme ce n’est pas rarement le cas, discute de la diminution du prix de la séance. Même dans une situation comme ça où, en somme, l’analyste serait poussé, serait entraîné à répondre dans l’axe imaginaire, dans l’axe de toi à moi, il doit régler son intervention à partir du grand Autre, dans l’axe symbolique, et trouver l’intervention qui va faire valoir cet axe symbolique au-delà même de la dimension imaginaire qui est évoquée par cette demande de l’analysante. Et plutôt que de commencer à discuter, que de se référer à un contrat... il s’agit plutôt de faire valoir quelque chose d’ordre interprétatif, d’ordre symbolique qui serait, par exemple, de lui dire : « Je ne vois pas de raison pour dévaluer votre analyse ». À partir de quoi, ce n’est plus dans l’axe imaginaire que l’analysant va situer les choses, mais il va être touché, il va être provoqué lui-même sur l’axe symbolique, sur l’axe qui touche l’inconscient. Cela peut avoir des répercussions, par exemple, sur le fait que ça la renvoie à la manière dont elle... aux difficultés, enfin, qu’elle a dans la relation avec les hommes, par exemple. Elle abandonne le petit affrontement sur la question du prix pour se situer elle-même sur l’axe qui va du sujet inconscient au grand Autre.

Cette distinction entre l’axe symbolique et l’axe imaginaire, c’est ce qui va permettre à Lacan, dans un premier temps, de traiter la question du transfert en séparant, donc, la dimension du lien symbolique inconscient au grand Autre par rapport auquel l’analyste a à se régler, de l’axe imaginaire des répétitions.

En quelque sorte, cette distinction – je le rappelle pour conclure ce premier point – c’est la distinction entre l’actualité du lien symbolique, que Lacan dit être le vecteur de l’action analytique, donc dans l’actuel du rapport à la parole et au langage, par rapport à la dimension imaginaire, qui est une dimension du registre de la répétition d’un lien ancien, non pas actuel.

Or, dans un deuxième temps, Lacan va faire coïncider le transfert et l’axe symbolique. Il va envisager, donc, que les phénomènes, qu’il considérait dans un premier temps sur l’axe imaginaire, les phénomènes du transfert – et donc, de l’amour, pour dire vite – sont en rapport avec l’axe symbolique lui-même. Ce qui veut dire que c’est dans l’axe même où se produisent les effets essentiels de l’analyse – les effets de manifestation de l’inconscient et de l’interprétation – c’est sur cet axe même que ce qui était dans un tout premier temps considéré par Lacan comme obstacle imaginaire, va désormais être situé sur l’axe symbolique. Avant, la distinction imaginaire-symbolique permettait de situer le transfert comme un obstacle à une opération analytique symbolique qu’en somme on pouvait surmonter dans la mesure où on se situait dans l’axe symbolique. C’est pour cela que, par exemple, dans le texte Intervention sur le transfert, il dit carrément que… il considère même que le transfert, en quelque sorte, ne fait pas partie de l’opération analytique, que c’est comme une interférence, et il cite le cas de Dora, de l’analyse de Dora par Freud, où il dit qu’en somme, si Dora a manifesté, un transfert négatif à l’égard de Freud qui a provoqué son départ, c’est parce que Freud, en somme, a commis une erreur, s’est déplacé de l’axe symbolique. C’est lui-même qui, en quelque sorte, a provoqué l’obstacle. Ce qui pouvait donner l’idée, en somme, que le transfert se résumait à être un phénomène accidentel, disons, en fonction de la position non correcte occupée par l’analyste.

Or, dans le deuxième temps que j’évoque maintenant, c’est sur l’axe symbolique lui-même que se produisent les phénomènes de transfert, que se produit le transfert. Et là, Lacan prend la chose d’abord à partir d’une considération de la parole, qui n’est plus seulement dans le registre de l’adresse ou des effets de sens, mais dans celui de la parole comme demande. Le fait de parler réduit en somme à son essence de demande dans la mesure où parler… même si on ne demande rien… ou au-delà de ce qu’on demande ceci ou cela, est une demande, mettons, d’être écouté. Le fait de parler est synonyme de demande. Ce qui introduit une autre dimension que la dimension du sens, ce qui évoque déjà la dimension de ce qu’on pourrait appeler la satisfaction, puisque si on demande, c’est qu’on manque. Mais de quoi manque-t-on en parlant ? Qu’est-ce qu’on demande en parlant ? Même si on ne demande rien, eh bien on demande de l’attention, de l’intérêt, de l’écoute ; au-delà même de ce que l’autre peut me donner, au-delà même de ce que l’autre a, des médicaments, des conseils, des choses, il y a aussi que l’autre, du fait même de m’écouter, me donne ce qu’il n’a pas, comme dit Lacan, me donne son intérêt, me donne le fait que je lui manque, me donne le fait qu’il manque de moi. Puisqu’il fait attention, plutôt que de faire attention à autre chose, plutôt que de faire autre chose. S’il m’écoute, il donne quelque chose de ce qu’il n’a pas. C’est alors que Lacan introduit sa notion de « demande d’amour », parler est fondamentalement une demande.

Cette remise du transfert dans l’axe symbolique va alors s’approfondir, comme cela a été évoqué dans la présentation, et être mise en rapport avec l’hypothèse même de l’inconscient telle qu’elle avait été formulée par Freud lui-même à l’origine de la psychanalyse, en connectant l’amour à l’inconscient. Ce n’est pas simplement l’amour comme ce que demande la parole quand elle parle, c’est l’amour en tant que connecté à l’hypothèse fondatrice même de la psychanalyse et fondatrice de toute psychanalyse singulière. La psychanalyse d’un sujet ne peut commencer que si le sujet fait l’hypothèse de l’inconscient, c’est-à-dire s’il y a quelque chose dans sa vie, dans sa pensée, dans son expérience, à propos de quoi il se pose la question « qu’est-ce que ça veut dire ? ». Il fait l’hypothèse qu’il y a une réponse possible à ce qu’il questionne dans ce qu’il ne comprend pas dans sa vie, ce qu’il ne comprend pas dans sa pensée, ce qui lui fait problème. Pour qu’une psychanalyse commence, il ne suffit pas que le sujet souffre, se plaigne de quelque chose, soit dans le malaise ; il faut encore que cela prenne pour lui la forme d’une question, d’une question sur lui-même. Il faut qu’il se dise : « Je ne sais pas ma vérité, je ne sais pas ce qui se passe avec moi. » Et à partir du moment où cette souffrance, ce malaise prend la forme du problème que le sujet est pour lui-même, d’une question, eh bien, à ce moment-là, immédiatement, il fait l’hypothèse d’un savoir qui saurait dire ce que ça veut dire, donc ce qui lui fait problème. Qui saurait répondre à la question qu’il se pose. Il fait l’hypothèse, donc, de ce que Lacan appelle le « sujet supposé savoir ». D’un savoir supposé, du fait même de poser une question. Dès que vous posez une question, vous supposez qu’il y a un savoir pour y répondre. Même si ce savoir, vous ne l’avez pas. C’est l’hypothèse, donc, d’un savoir supposé sujet. Sujet dans la mesure où ce savoir supposé, il n’est pas là, dans le réel, mais il est supposé être caché, disons, dans la parole même du sujet. C’est l’hypothèse de la suggestion libre faite par Freud. Il y a un savoir supposé, parlez ! et ce savoir supposé sera explicité au travers même du travail de l’association libre, du déchiffrage. Donc Lacan, là, renoue avec le départ originaire de la psychanalyse.

Je vais noter une petite chose sur la question du sujet supposé savoir. Je ferai remarquer que Lacan, plus tard, sur ce même point, dira que pour commencer, pour s’engager dans le processus d’une analyse, il ne suffit pas que le sujet veuille se soumettre à cette expérience pour mieux se connaître – comme il dit dans les conférences aux États-Unis : « Si quelqu’un vient me demander de faire une analyse pour mieux se connaître, je le mets à la porte ». Il ne suffit pas que ce soit, donc, pour mieux se connaître, il ne suffit pas non plus que ce soit quelqu’un qui se plaint et à qui on dit : « Parlez, je vous écoute. » Il faut, comme je disais, que le malaise, que la souffrance qui pousse le sujet, qui le concerne, prenne la forme d’un problème, la forme d’une question. Donc que ce qui pousse le sujet à être débarrassé de ce malaise devienne un problème pour lui, sans quoi il resterait simplement le patient, le souffrant qui ferait travailler l’expert et il ne se mettrait pas lui-même au travail de l’analyse, il ne deviendrait pas analysant.

Donc, « sujet supposé savoir », cela permet d’une part de rejoindre en partie la distinction qu’on a déjà évoquée entre l’axe imaginaire et l’axe symbolique dans la mesure où Lacan, ici, distingue ce savoir supposé de ce qui serait le savoir de quelqu’un, le savoir de l’analyste, le savoir accumulé par l’analyste ou le savoir présent dans les livres, dans une encyclopédie. Le savoir supposé, ce n’est pas le savoir qu’on a, c’est le savoir qu’on n’a pas. Le savoir qu’on a, on pourrait le situer du côté de l’axe imaginaire, où, en effet, l’analyste interviendrait avec ce qu’il a, avec le savoir qu’il détient, alors que le sujet supposé savoir se situe sur l’axe symbolique comme l’hypothèse même faite par l’analysant du fait que sa souffrance prend la forme d’une question. Donc c’est un savoir qui n’est pas, qui n’est pas là, qui n’existe pas, un savoir qui est supposé.

En un sens, ce sujet supposé savoir, c’est le psychanalysant, puisque c’est dans sa parole, en somme, qu’il est supposé se cacher, dans ce qu’il va dire, dans la chaîne signifiante qu’il va développer. C’est lui, en quelque sorte, qui va parler, qui va associer, qui est supposé savoir. Mais en même temps, c’est un savoir dont il n’est pas le propriétaire, dont il n’est pas le maître. C’est essentiellement un savoir qu’il n’a pas. On pourrait dire aussi que le sujet supposé savoir, c’est le psychanalyste, dans la mesure où le sujet attend du psychanalyste l’interprétation qui dirait ce que ça veut dire. Mais, le sujet supposé savoir, ce n’est pas non plus le psychanalyste, puisque, comme je le disais, ce n’est pas du savoir que détient l’analyste qu’il s’agit, ce n’est pas d’un savoir que l’analyste aurait ou qu’il aurait accumulé. C’est une hypothèse faite par la question du symptôme. C’est le symptôme en tant qu’il prend la forme d’une question qui fait cette hypothèse. Le sujet supposé savoir est en quelque sorte un tiers au regard du psychanalyste et du psychanalysant.

Alors, dans ce savoir qui n’est pas encore là, qui est supposé, qui n’est pas encore produit, c’est dans ce savoir-là, supposé – c’est donc la nouvelle manière d’introduire le transfert par Lacan –, c’est dans ce savoir qui n’est pas encore là que prend racine l’investissement de la séance, que prend racine l’investissement de l’analyste, l’attachement. Dans ce que je ne sais pas, du fait même de poser la question, et qui est supposé être su inconsciemment dans ce sujet supposé savoir, il y a ce qui peut être su, ce qui peut passer au langage, ce qui peut acquérir un sens à travers tout le travail de déchiffrage de la parole, mais il y a aussi ce qui ne peut pas se savoir, ce qui ne peut pas s’énoncer parce qu’il manque de mots, parce qu’il est impossible à savoir, parce qu’il constitue un manque. Non pas un manque de savoir, au sens où ce savoir n’est pas encore su, mais parce qu’il constitue un manque dans le savoir. Au cœur de tout ce savoir supposé, pas encore déchiffré, il y a ce qui ne peut être déchiffré parce qu’il constitue un manque fondamental, ce manque qu’est le sujet lui-même, son être singulier, si vous voulez. Ce qui fait qu’il n’est pas les autres, ce qui fait qu’il n’est pas un, entre autres. Sa pure différence, ce qu’aucun prédicat, aucun attribut ne peut rejoindre, puisque le sujet en lui-même, c’est un manque, comme c’est sensible dans l’exigence de l’amour, par exemple, qui est l’exigence d’être aimé pour soi-même. Être aimé pour soi-même, ça montre qu’on ne veut pas être aimé pour telle ou telle propriété, pour telle ou telle définition familiale, sociale, professionnelle, pour tel attribut, pour telle qualité. Être aimé pour soi-même, au fond, c’est vouloir être aimé pour rien de tout ça. Ce qui réduit le « soi-même » à un manque de toute définition, n’est-ce pas, à un pur manque ; le sujet en lui-même est essentiellement une négation, un manque, la négation de tous les attributs...

S’il y a manque, c’est qu’il y a eu une perte. C’est que ce manque résulte d’une perte, la perte dont l’objet transitionnel de l’enfant, par exemple, est comme la trace. Qui est moins la perte d’un objet qu’on a eu que celle d’un être qu’on a été, enfin qu’on imagine avoir été, et qui est depuis toujours perdu, avec, disons, l’entrée dans la condition humaine, avec l’entrée dans le langage. C’est donc cette perte d’être, qui est essentiellement la perte d’un être de satisfaction ou d’une satisfaction d’être – d’un état de jouissance, comme dirait Lacan – c’est cette perte qui cause ce manque qui définit le sujet et qui fonde le fait qu’on désire. Si on ne manque pas, si on n’était pas manque, on ne serait pas sujet de désir. Et donc, au cœur de ce savoir supposé de l’inconscient, en même temps que se déroule l’opération de déchiffrage de la psychanalyse, l’opération d’accumulation des effets de vérité en un savoir de réécriture de son histoire, en même temps que toute l’opération se déroule, pour ce qui est du manque, pour ce qui est de sa perte, le sujet préfère, plutôt que de le savoir, il préfère la combler, la positiver, en quelque sorte, dans un effet d’être tel qu’il s’obtient dans le rapport à ce sujet supposé savoir, via l’amour. Plutôt que de le savoir, aimer. Pour autant que le manque n’est pas ce qui est approché par le savoir mais le statut même de ce qui n’est pas encore su par le savoir, soit la cause de l’incomplétude du savoir, et donc, pourrait-on dire, ce qui fait désirer le savoir, en quelque sorte. C’est ce qui attache le sujet au savoir, mais, précisément, dans la mesure où ce savoir n’est pas encore effectué, faisant ainsi de ce qui est ignoré ce vers quoi on tend, c’est-à-dire ce qu’on aime.

Aimer, c’est tendre vers, c’est un mouvement vers ce qu’on n’a pas ; c’est être un mouvement vers un terme qu’on n’a pas encore saisi, c’est ça aimer. Et c’est pour ça que l’amour est essentiellement une ignorance. Le caractère aimable de ce qu’on aime n’est préservé que pour autant qu’il reste inaccessible. On aime, au fond, ce qu’on ignore, et dans la mesure où ce qui reste un mystère pour nous-même, notre être, ce qui reste un mystère, notre être supposé, ce qui reste un mystère pour nous est supposé être présent dans ce qui n’est pas encore atteint. Donc ce qui n’est une merveille que pour autant que ça reste caché. C’est ce qui faisait dire au philosophe et théologien Nicolas De Cues, cité par Lacan, qu’au fond, « la voie privilégiée du rapport à Dieu – qui était l’objet de sa quête amoureuse – n’est pas la voie du savoir, mais la voie de l’ignorance. » Sur le point qui manque dans le savoir, le sujet – d’ailleurs il ne peut pas faire autrement, d’une certaine façon –, préfère faire ce qu’il fait dans sa vie amoureuse, dans sa vie tout court, préfère le mettre en acte dans l’amour, en faire un mode d’être qui se préserve dans l’ignorance, dans le « pas encore su ».

Tel sujet, par exemple une femme, qui est décidée à incarner ce qui ne peut pas se savoir, aime un homme et vit avec lui, mais ne supporte pas qu’il la connaisse, qu’il jouisse d’elle en toute sécurité. Et alors, elle s’évertue à ne pas être là où on l’attend, à ne pas être là où on saurait à l’avance où elle est. Et elle revient souvent, en particulier dans l’analyse, sur l’évocation des circonstances du premier échange de regards, quand elle était encore une inconnue. Et ça fait aussi, par exemple, qu’elle est fascinée par les femmes qui passent, les femmes qui gardent encore… qui gardent, donc, qui retiennent cette essence de l’inconnu. Elle ne prend pas la solution qui consisterait à changer d’homme pour garder chaque fois l’essence de l’inconnu ; elle le fait avec le même, ce qui crée quelques problèmes dans la relation conjugale ; mais enfin, elle reste décidée à insécuriser son partenaire, à garder quelque chose d’énigmatique pour lui. Partenaire qu’elle aime, mais en tant qu’elle transpose dans l’inquiétude de ce partenaire sa propre essence d’inconnu, de pas encore connu. Et dans sa relation au savoir supposé, dans son travail d’analysante, elle met en acte ce même rapport de soustraction au savoir, cette dimension d’énigme qui est d’ailleurs, d’abord, une énigme pour elle-même, qui fait que le sujet ne sait plus où elle en est – ne comprend plus ce qu’elle a dit, pose des questions, ne sait pas – mais par quoi, en même temps, elle obtient un effet d’être en se logeant dans ce qui échappe au savoir, dans ce qui va faire manque dans le savoir. Et c’est ce manque, ce pas encore, cette inconnue dans le savoir où elle se loge, c’est cela qui l’attache au savoir supposé, qui lui fait aimer ce savoir supposé. Moyennant quoi, donc, ce manque qui définit le sujet structurellement prend pour elle une valeur d’être, une valeur d’être dans l’amour, dans ce transfert, ce manque, dans ce qui échappe au savoir du sujet supposé savoir.

Par contre, un autre sujet, lui, est tout à fait impeccable dans son travail de raconter les rêves, il développe les associations, établit des rapports qu’il qualifie d’intéressants tout en parlant comme s’il s’agissait de son voisin, de quelqu’un d’autre. Au fond, il nous présente un monde où il n’est pas là, où il n’est pas impliqué, où il est le spectateur de sa propre existence, ce qui ne manque pas de lui donner le sentiment de vivre une vie qui n’est pas bien vivante, tout comme il réduit son interlocuteur, l’analyste, à n’être que le spectateur sans implication du débat que le sujet entretient avec lui-même, des questions qu’il se pose. C’est une autre modalité de recouvrement de la perte qui consiste, là, à ne pas la risquer, à la retenir, à ne pas la mettre en jeu ; sorte d’effet d’être, si on veut, mais qui a des effets de mortification du sujet. Il préfère ne pas jouer le jeu que de perdre, ou que de le jouer en perte. C’est un effet de compensation de la perte dans un autre style d’adresse, dans un autre style de parole.

Au-delà de ce qui se déroule comme opération de déchiffrage se met en acte, silencieusement, un style de parole qui fait en même temps consister une satisfaction, un objet, qui subsiste pour autant qu’il échappe au savoir, qu’il est ignoré. De la même façon qu’une présence prend consistance fantasmatique derrière le voile, couvre une absence tant qu’on ne lève pas le voile. C’est une modalité d’être, donc, qui se met en acte, au travers même de l’opération de déchiffrage de l’analyse, qui se met en acte silencieusement, et qui vaut tant que la séance dure, c’est-à-dire tant que l’analyste est là. Il est sensible, par exemple dans le style des différents analysants de prendre congé : l’un qui se tire de la séance vite fait, bien fait, qui suppose la transformation de la présence de l’analyste en quelque chose qui est plutôt de l’ordre du déchet ou, par contre, tel autre analysant qui, au contraire, a du mal à s’arracher, qui suppose plutôt, donc, la transformation de l’analyste en un objet oral, ou l’autre qui continue à parler, qui fait plutôt bavard, donc le statut de voix de la présence silencieuse de l’analyste.

Ce sont autant d’objets, au sens de l’objet perdu freudien, que le sujet est, mais en tant que la présence de l’analyste le supporte. C’est fondamentalement le vide du sujet qui ne passe pas aux mots, qui ne passe pas au savoir, et qui prend cette valeur pulsionnelle, objectale, en se logeant dans ce qui manque de mots, dans ce qui ne parle pas, dans la présence silencieuse de l’analyste, comme ayant plus de valeur que tous les mots, que tout le savoir. C’est une sorte d’inertie interne à la parole elle-même, à l’association libre, qui fait que l’attachement même à l’analyste, à l’objet que sa présence incarne constitue une résistance, une butée, ou, comme dit Lacan, un moment de fermeture de l’inconscient. Seulement, ce moment d’inertie est en même temps le ressort de toute l’expérience, l’enjeu de toute l’expérience. Pour autant que l’analyste se prête non pas à le faire passer dans le savoir, dans les mots par l’interprétation du transfert – ce qui serait reproduire la logique même de cette résistance – mais, pour autant que l’analyste se prête à l’être, à le présentifier, jusqu’à ce que sa fonction de semblant se révèle, sa fonction de semblant qui couvre, voile une impossibilité.

Ce moment de résistance inhérent à la parole elle-même, ce moment d’amour qui se met en acte silencieusement, qui fait que le lien, dans la cure analytique, n’est pas la répétition d’un lien ancien, dans le lien professionnel analyste-analysant, mais est un lien de désir, un lien de désir actuel dans lequel le désir de l’analyste est impliqué. Aussi neutre ou professionnel veuille-t-il être, l’analyste n’échappe pas à la condition de sujet. Il a aussi un désir, il est aussi affecté par un manque, il n’est pas le sujet supposé savoir, on l’a dit, mais il ne peut pas ne pas être sujet de désir. Désir par rapport auquel opère la stratégie silencieuse de la parole de l’analysant. Sa manière de se faire être amoureusement.

Donc c’est un lien actuel de désir à désir ; seulement, ce lien n’est pas symétrique. Ce qui différencie le lien analytique des liens établis dans la vie courante, c’est que l’analyste ne répond pas comme sujet, avec son désir personnel, avec son fantasme, avec son inconscient, mais il répond comme un objet, comme l’objet pulsionnel même qui prend consistance en deçà de tout ce qui est en train de s’élaborer comme savoir dans l’analyse, du fait même de rester hors des mots et hors du savoir. L’analyste n’est pas l’autre qui répond, qui parle, mais il est plutôt silence ; silence qui intrigue, qui fait énigme, qui suscite l’interrogation. Même quand il parle, il ne parle pas de soi, il ne parle pas de ce qu’il dit. Au cœur même de ce qu’il énonce, et en particulier dans l’interprétation, il se garde un noyau de silence, d’opacité. Il n’y a pas de parole sur la parole de l’analyste ; il y a quelque chose, donc, qui reste toujours de l’ordre de ce hors-mot, hors-savoir, même lorsqu’il énonce un dit interprétatif. Autant dire qu’il prête sa présence à incarner ce qui manque de mots, ce qui manque de mots même quand on parle, et qui fait en même temps la satisfaction pulsionnelle ignorée de la séance.

Donc il doit l’incarner, et non pas en parler. L’incarner spécialement dans son effet de perte, au moment de la coupure de la séance. Donc la valeur libidinale qu’il a pour l’analysant, en tant qu’analyste, ne lui vient pas de quelque ressemblance avec des prototypes parentaux, elle lui vient du fait qu’il incarne, qu’il donne corps à cet objet silencieux de la séance, à ce qui conditionne le désir du sujet dans les rapports avec ses partenaires. C’est ce qui fait dire à Lacan que l’analyse n’est pas une simple reconstitution du passé – je vais lire la phrase – « mais un récit qui serait tel que le récit lui-même soit le lieu de la rencontre dont il s’agit dans le récit ». « Un récit qui serait tel que le récit lui-même » – mettons le récit du sujet de sa vie à l’analyste – « soit le lieu de la rencontre dont il s’agit dans le récit », donc, qui est comme une convergence entre l’objet qui ne peut se dire de ce récit, ce qui manque de mots, qui reste entre les lignes, entre ça et sa présentification par la présence de l’analyste. Ce qui fait que ce récit serait en même temps le lieu de la rencontre dont il s’agit dans le récit. C’est afin que le sujet puisse avoir un aperçu – rencontrer, donc, un acte qui n’a pas d’autre partenaire, au fond, que ses propres conditions du désir, l’objet qu’il mise dans ses relations amoureuses et autres – c’est pour qu’il puisse avoir un aperçu, rencontrer cela que l’analyste choisit de ne pas être dans le lien comme un autre sujet, mais comme un objet. Le mode de jouir inhérent à la séance, le mode de jouir inhérent même à la lecture de l’inconscient ne peut être annulé par l’interprétation, par le signifiant ; ce mode de jouir ne disparaît pas si vous le dites, si vous l’interprétez. Vous ne faites alors que reculer d’un cran ce qui échappe au savoir. Ce mode de jouir ne peut être annulé par l’interprétation, il peut seulement être laissé tombé en acte pour autant que l’analyste s’en ait fait semblant. L’analyste n’est pas présent comme un sujet parce que le lien analytique est un lien destiné à se défaire. Voilà.

(Applaudissements)

Annick Passelande : Merci beaucoup, Alfredo Zenoni. On va passer maintenant à un temps de questions. Je vous demanderais, s’il vous plaît, de vous nommer avant de poser vos questions. Vous avez la parole.

Louise Morand : Il y a des propos que vous avez prononcés qui me laissent un peu songeuse. Quand vous parlez du silence de l’analyste et de la part de silence mystérieuse, questionnante, etc. Mon expérience de l’analyse m’a amenée à penser que l’effet bénéfique ne se tient pas vraiment dans le silence, mais dans une pluralité d’autres discours, d’autres choses que les préoccupations traditionnelles d’une personne névrosée. Mais que chez l’analyste, justement, cette personne-là peut rencontrer une multitude d’autres discours qui amènent une sortie et peut-être de rejoindre le monde extérieur, la culture, ou quoi que ce soit. Alors, cette question-là, du silence, je trouve que ça peut peut-être porter à confusion.

Alfredo Zenoni : Oui, au fond, je serais bien d’accord avec vous, quand vous évoquez, en somme, une issue de l’analyse qui consiste à ce que le sujet soit un peu soulagé, justement, de cet objet, de cette mise pulsionnelle qui conditionnait son rapport aux autres, à la vie, et qu’il puisse un peu, disons, investir la pulsion autrement que simplement dans le fait de se faire être dans l’amour, à manquer à l’autre, dans l’amour transférentiel, enfin, être, donc, ce qui manque. Donc, que l’objet, en somme, aperçu dans sa fonction de… je dirais de bouchon, de tenant lieu de l’impossible, de voile, une fois qu’il est aperçu, bon, qu’il puisse y avoir quand même un investissement autre que dans la direction que vous évoquez, autre que d’en faire sa passion, en somme.

Le silence n’est pas incompatible, il me semble l’avoir dit, avec l’interprétation, avec l’intervention de l’analyste ; c’est un silence interne à sa parole elle-même, enfin quelque chose qui fait que l’analyste doit incarner, présentifier quelque chose de ce qui reste de l’énigmatique même du sujet, en fait, de l’insaisissable, de l’intraitable. Ce que le sujet met en acte dans la séance, dans la cure, il faut en quelque sorte que l’analyste le lui ravisse, le présentifie, même quand il parle. Que l’analyste ne soit pas, justement, un sujet qui parle de lui-même, qu’il n’entre pas dans une relation, comme on a pu le dire dans l’introduction, dans une relation intersubjective. Pour que l’analysant ait un aperçu de ce que, finalement, de ce qui, sans le savoir, était la satisfaction pulsionnelle, qui allait même, d’ailleurs, au détriment de ses intérêts vitaux, de ses satisfactions ordinaires… La satisfaction pulsionnelle qu’il met en acte, qu’il mettait en acte dans la séance. Pour qu’il ait un aperçu de ça, qu’en somme, la valeur libidinale, l’attachement à la séance, à l’analyste, était quelque chose de cet... qu’il est lui-même, mais en tant qu’il est présentifié par l’énigme de l’analyste, son côté intraitable, son côté non interprétable, il faut que cette dimension de silence, cette dimension – je dirais aussi – non métalinguistique de l’analyste, soit préservée. Donc, qu’il y ait quelque chose qui reste objet dans la séance. Et pas qu’il y ait simplement intersubjectivité. Pour que le sujet puisse avoir un aperçu de ce qui est sa jouissance pulsionnelle, que ce soit une jouissance, comme j’ai évoqué, de type axée plutôt sur le fait de : plutôt rien, plutôt ne pas savoir qu’approcher quelque chose du manque, plutôt rien, que de petites satisfactions, plutôt rien ; ou l’autre, qui est plutôt à jouir, au fond, du fait que tout doit être dit dans le moindre détail à condition que lui ne soit pas impliqué, qu’il y ait une sorte d’éjection du sujet dans sa propre énonciation. Bon. Pour qu’il ait un aperçu de cela, il faut que quelque chose de l’objectalité de la séance puisse être présentifié et que tout ne passe pas simplement dans la conversation intersubjective.

Yannick Binette : La question que je me pose est en lien avec la fin de votre présentation. Je me posais la question de savoir si l’analysant, sa demande principale, c’est une demande d’amour, mais que le rapport entre l’analyste et l’analysant est un rapport, je dirais, contractuel – il y a un échange d’argent, il y a une demande qui est faite – est-ce que ce n’est pas une forme de perversion de cette demande d’amour-là ? Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose d’artificiel, et, quelque part, d’insoluble ? On entre dans une relation d’analyse, mais on sait très bien que l’amour qu’on peut y trouver est un amour qui n’est pas vraiment gratuit, qui est un amour plus... contractuel, exactement.

A. Z. : Oui, ça évoque un passage de « La direction de la cure » de Lacan, où il dit effectivement que si la demande d’amour, au fond, est une demande de rien, c’est-à-dire quand on demande l’amour, on ne demande pas une chose, des choses ; on demande que l’autre donne ce qu’il n’a pas. Que l’autre donne son manque, donne rien, enfin ; c’est une demande de rien. Lacan dit : « Eh bien, et même ce rien, on ne le donne pas, et pour bien montrer qu’on ne le donne pas, on le fait payer, et cher de préférence ». Donc, justement, il y a la demande d’amour, mais l’analyste ne répond pas subjectivement. Il ne répond pas subjectivement, et – ce qui n’est pas développé dans « La direction de la cure » – c’est ... Dans « La direction de la cure », c’est, essentiellement dire : la demande d’amour est en somme mise au service du travail analytique, mise au service de ce que Lacan appelle, dans ce texte, du fait qu’il n’y ait pas de réponse d’amour, donc, « la mise au présent des signifiants des anciennes demandes », voilà. La question de la présence de l’analyste n’est pas tellement traitée dans ce texte. Plus tard, donc, au contraire, il fait valoir le fait qu’il n’y a pas réponse à la demande d’amour, mais d’une certaine manière, l’analyste ne donne pas la réponse, mais il incarne la réponse, il est la réponse.

L’analysant ne prend un aperçu de l’objet qui motive la répétition de ses demandes, qu’en finissant par le rencontrer dans ce qui fait l’ininterprétable de la présence de l’analyste. Ce qui est simplement de l’ordre de l’acte, de l’agir. Donc là, il y a quand même une certaine réponse, mais c’est une réponse, pour le coup, qui est une réponse de séparation. À partir du moment où l’analyste est situé, enfin aperçu dans cette équivalence de cause de la séance, de cause de l’attachement à l’analyse, c’est à l’instant même qu’il est laissé tomber et qu’il est perçu dans la fonction, on pourrait dire, d’objet transitionnel. Et donc il est laissé tomber, à ce moment-là. Donc c’est une réponse, mais qui, dès qu’elle est perçue, est abandonnée, disons.

Annick Passelande : Oui, pour continuer sur ce sujet, je me demandais ce qu’il advient, justement, du transfert, à la fin de l’analyse ? Qu’est-ce qu’il en reste ?

A. Z. : Oui. Si on prend cette approche de Lacan concernant le transfert qui est, donc, la mise en acte, comme il dit, de la réalité sexuelle de l’inconscient, de la réalité pulsionnelle de l’inconscient, dans le lien analytique, la question qui se pose est de savoir si la fin de l’analyse, c’est la fin de la réalité sexuelle de l’inconscient, si la fin de l’analyse, c’est la fin de la pulsion. Ça ne semble pas être le cas. Par contre, c’est la fin de ce qui faisait que l’amour de transfert, le transfert comme amour était essentiellement fait de.... ne pas approcher dans le savoir, laisser en suspens, laisser dans l’ignorance ce qui manque de mots, et de le mettre en acte dans le rapport au désir de l’Autre. D’une certaine manière, il semble que quelque chose du transfert subsiste, si on prend le transfert – non plus, comme je l’avais évoqué, où l’amour est équivalent à laisser en suspens, à ne pas approcher, à laisser dans l’ignorance… mais si on prend le transfert sous l’angle du désir, débarrassé, en quelque sorte, de cette fonction amoureuse de l’ignorance, c’est alors que le désir n’a plus peur d’approcher, dans le savoir, ce qui causait l’ignorance de l’amour. On passerait, disons, de l’amour de transfert, qui est essentiellement ignorance, refus de savoir, résistance, à ce que Lacan appelait le « désir de savoir ». C’est précisément au moment où on laisse tomber le savoir supposé, le savoir qui n’est pas encore là et qui fait l’investissement amoureux qu’on peut alors savoir vraiment, enfin qu’on peut alors se mettre au travail du savoir. C’est prendre, accentuer, plutôt, la dimension du désir plutôt que la dimension de la pulsion, de l’amour.

Hélène Charpentier : Je pense qu’Annick m’a précédée d’une certaine façon. Ma question aurait été : comment change le transfert, et vous avez répondu quand même en partie à ma question. Merci.

A. Z. : Le sujet va au-delà de cette préoccupation fantasmatique où il tenait le désir de l’autre en haleine ou bien où il le tenait à distance. Il effectue donc un certain décrochage par rapport à cet usage fantasmatique. C’est vrai que le trajet d’une analyse assouplit l’investissement de la pulsion, diversifie l’investissement de la pulsion vers autre chose que, justement, soi-même, que ce soi-même, donc, impliqué dans la spéculation sur le désir de l’autre, en somme. Bon.

André Jacques : C’est plutôt un commentaire que je veux faire, une image qui m’est venue en vous entendant parler. En fait, j’ai trouvé ça très intéressant, cette distinction très claire que vous faites entre l’axe imaginaire et l’axe symbolique, et ensuite comment vous développez l’attention à l’axe symbolique. En même temps, à mesure que vous avanciez, je me formais une certaine image de l’analyste adoptant résolument l’axe symbolique, et puis j’en suis arrivé, vers la fin, à penser à un maître zen. C’est mes associations à moi, mais en fait, donc, il me fait penser à quelqu’un d’extrêmement parcimonieux dans ses paroles, et puis résolument situé dans l’axe symbolique, et puis s’interdisant de façon très rigoureuse, très constante, de fréquenter l’axe imaginaire ; et puis, je m’imaginais quelqu’un de très… enfin, c’est ça, c’est l’image du maître zen en position de zazen, donc axé sur le manque, axé sur le noyau du manque. C’est une image en même temps très fascinante et puis, en même temps, un peu glaçante, je dirais, pour moi, telle que je me la faisais. Et puis, c’est très très loin de l’image de la pratique habituelle de la psychothérapie analytique ou, en fait, de ce qu’on peut faire lorsqu’on n’est pas en mesure de mettre en place les paramètres nécessaires pour une véritable psychanalyse, en tout cas. Je ne sais pas si vous auriez quelque chose à dire là-dessus ?

Alfredo Zenoni : Oui, bien, enfin, pour commencer par la fin, ça c’est une question plus… enfin, de clinique et de pratique, qui concerne l’application possible de la psychanalyse à des thérapeutiques qui ne sont pas la psychanalyse pure, si je peux dire. C’est une question en soi, et en particulier lorsque… Au fond, tout ce que nous avons évoqué ce soir concerne essentiellement le sujet névrosé, n’est-ce pas, il faudrait peut-être faire l’équivalent de cette conférence s’agissant de la psychose, pour le sujet psychotique. En tout cas, reste le fait qu’en effet, les conditions ne sont pas toujours réunies pour que quelqu’un qui ne va pas bien, quelqu’un qui souffre, s’engage dans le travail analytique, au sens où le travail analytique comporte cette hypothèse de l’inconscient : c’est que le sujet se fait problème à lui-même, il est un problème pour lui-même et il s’engage... Et on ne commence pas le travail analytique, on ne l’autorise pas tant que le sujet n’est pas devenu problématique pour lui-même, enfin, quand il se pose une question. Peut-être que ce n’est pas toujours le cas, en effet.

Ceci dit, peut-être que je n’ai pas assez accentué la dimension de la présence, c’est-à-dire... En effet, la notion d’axe symbolique peut suggérer l’idée du maître zen, donc le côté interprétatif du silence, le côté scansion, représentant du symbolique. Tandis que tout ce que Lacan a développé à partir, notamment, de la demande d’amour et à partir du Séminaire XI, met plutôt l’accent, on pourrait dire, sur la présence, en tant que c’est une présence corporelle de l’analyste, en tant qu’il met en avant son corps pour le soustraire, ou qu’il soustrait son corps pour l’avancer, c’est-à-dire où l’acte analytique ne se limite pas à l’interprétation, mais comporte tout ce qui est de l’ordre de la présence jusque, et y compris donc, dans ce qui est considéré se passer dans ce qu’on appelle le cadre de la séance. Pour Lacan, justement, le cadre de la séance fait partie de la séance, donc tout ce qui est de l’ordre du paiement, de la salutation, de prendre congé, de la disposition des corps, tout cela fait partie de la séance. À cet égard, il n’y a pas de mode d’emploi, si je puis dire, c’est plutôt l’analyste qui doit trouver le moyen de se situer dans l’axe de cet objet pour le désêtre, en somme, non pas pour le donner, mais pour que l’analysant arrive à avoir une idée de ce qu’est cette présence insaisissable en tant qu’elle n’est pas explicitée verbalement par le sujet, par l’analyste qui ne dit pas ce qu’il fait, qui n’interprète pas, justement, le transfert, mais qui est le transfert, en quelque sorte. Donc ça comporte au contraire, me semble-t-il plutôt, une certaine mobilité qui va jusqu’à la mobilité de la durée de la séance.

Donc, ce n’est pas une chose standardisée, mais mobilité de la durée de la séance, mobilité de... que ce soit quelque chose, en effet, qui entre dans ce qui fait que l’analyste incarne ce qui fait question au sujet, ce qui le fait travailler, quelque chose, donc, d’informulable. Et ça, ça demande... enfin, ça demande... ça comporte quelque chose de l’ordre du geste, de la voix, du silence, choses qui, en fait, font partie de la présence, d’une présence mobile. Reste que ce qui est essentiel, me semble-t-il, c’est que ce qui est d’emblée exclu par Lacan, c’est la position de l’analyste spectateur de ce qui ce passe, et donc interprète : « Vous faites ceci parce que cela, etc. ». Il doit plutôt être l’objet qui est manipulé par l’analysant, par sa parole ; l’objet qui est manipulé par sa parole. Ce n’est pas du tout la position de l’interprète zen, me semble-t-il. Mais c’est vrai que la notion d’axe symbolique peut aller dans ce sens – d’ailleurs, Lacan n’a pas manqué d’évoquer le maître zen dans ce texte, dans ses premiers textes des Écrits – oui, dans le sens de l’intervention qui désarçonne, qui déstabilise le sujet, qui relance le travail de l’analysant, oui. Il y une évocation de ça.

Fabienne Espaignol : Une des choses que je trouve en même temps passionnante et en même temps épeurante pour moi, c’est cette question que tout du cadre peut être utilisé par l’analyste pour lui permettre d’incarner cet objet. Et en même temps, en parallèle, je me dis que bon, cet analyste, il a son propre désir, on parle aussi de contre-transfert, des fois, et je me dis, mais quelle sorte d’analyste est capable de jouer avec tout ça sans qu’il y mette son propre désir, enfin je vais le dire comme ça, comment il fait la part d’être l’objet de l’autre ou alors, que l’autre devienne son objet, comment… Enfin, ce que je veux dire, ça demande un travail de sa propre analyse qui doit être gigantesque avant de pouvoir se démêler dans tout ça et de ne pas être dans l’agir plutôt que dans l’acte, ou... en tout cas, c’est ma question.

Alfredo Zenoni : Oui, votre question, qui contient déjà les éléments de la réponse, d’une certaine façon. C’est l’enjeu de l’analyse dite didactique, enfin, de l’analyse qui va jusqu’à sa conclusion, que justement, l’analyste ait un aperçu, quand même, de ce qui ... de la jouissance par lui-même ignorée, comme disait Freud de l’homme aux rats, enfin, quelque chose de ce qui cause son désir, enfin, dans ce que j’appelais, ce rapport au désir de l’Autre, d’atermoiement, ou de tenir en haleine, etc., Il faut quand même qu’il ait pris un aperçu de ça pour qu’en effet l’analysant ne devienne pas son objet à lui, oui, d’accord.

Toute la question, c’est ça, c’est : quel doit être le désir de quelqu’un, d’un sujet qui se prête à incarner l’objet d’un autre, l’objet du fantasme de l’autre ? Quel doit être son désir, puisque ce désir comporte quand même une sorte de destitution subjective, c’est-à-dire que lui, le sujet qui se prête à ça, si je puis dire, n’y trouve pas son compte. C’est pour ça que Lacan pouvait évoquer qu’éventuellement, la jouissance par rapport à laquelle l’analyste devrait se trouver, devrait se mettre à carreau, c’est-à-dire à carreau… c’est une jouissance masochiste, à la limite, de se faire traiter comme l’objet. Oui, c’est la question de la passe, au fond. Comment le désir de l’analyste surgit, et en même temps se détache, du désir névrotique de l’analysant qu’il a été… opère une torsion par rapport à ça, oui. Enfin, donc, il y a une définition, comment dire, positive, en somme, qui est à la fois celle du désir de savoir, et puis, on peut dire, en somme, qu’il faut que le désir qui anime l’analyste dans sa pratique soit un désir plus fort que tous les désirs où l’analysant pourrait être. Prendre la place, en somme, d’une demande d’amour, ou d’une quelconque opération fantasmatique. Donc un désir plus fort que le désir. Le désir de l’analyste n’annule pas le désir personnel, mais, dit Lacan quelque part, c’est un désir plus fort que le désir de le prendre dans les bras, ou de le faire passer par la fenêtre. On pourrait dire que le désir de l’analyste est plus fort que le désir de manipuler le cadre de la séance à des fins de jouissance. Pourquoi ne pas dire simplement : le désir qu’il y ait analyse, que le sujet poursuive son analyse.

Fabienne Espaignol : J’avais une autre question : c’est quand on parle des entretiens préliminaires. Alors, j’associe un peu trop ça, je pense, avec une étape qui est faite par le même analyste avec l’analysant, mais je n’arrive pas très bien à comprendre : est-ce que le travail que fait l’analyste, est-ce qu’il se prête de la même façon au transfert, est-ce qu’il prend la même fonction, comment... Quelle est la différence du rôle de l’analyste dans les deux… je ne sais pas si on peut dire des étapes....?

Alfredo Zenoni : Oui. Entretiens préliminaires à l’expérience psychanalytique, à l’entrée dans le discours de l’analyste. Ce sont des entretiens destinés à ce que, – je l’ai évoqué dans la conférence – ce qui fait mal au sujet, le malaise, ce dont il se plaint prenne la forme d’une question, la forme d’un symptôme analytique, d’un symptôme analysable avec l’hypothèse de l’inconscient. Enfin, donc, ce sont des entretiens cliniques dans lesquels il y a essentiellement cette mise en forme du symptôme. Peut-être que les phénomènes de transfert ne sont pas aussi présents, aussi installés qu’au cours de l’expérience, mais il me semble que la position de l’analyste consiste quand même déjà à ne pas s’identifier au sujet supposé savoir. Donc à faire en sorte que l’hypothèse de ce savoir supposé sujet qui va parler prenne forme, prenne consistance pour l’analysant. Et pour ce faire, donc, l’analyste doit déjà, d’une certaine façon, ne pas se positionner lui-même comme le sujet supposé savoir. Il ne se suppose pas savoir, donc... Ce qui n’est pas sans susciter, déjà, une première question : Qui est-il ? Que veut-il ? Puisque, donc, il se démarque de la position « sujet supposé savoir », quelle est alors sa fonction ? Quel est son rôle ? Donc, peut-être, une amorce déjà, de l’X de son énonciation et de sa présence se produit-elle dans les entretiens préliminaires… Enfin, je dirais, de surcroît. L’essentiel, c’est que soit bien mise en place l’hypothèse de l’inconscient, que le savoir dont il s’agit, c’est le savoir qui va être produit par la parole, qui est supposé être caché dans la parole de l’analysant, qui va être produit ; ce n’est pas le savoir de l’analyste. Et ça, ça me semble être l’autre aspect des entretiens préliminaires : construction du symptôme et désidentification de l’analyste par rapport au sujet supposé savoir.

Je pensais parler, d’ailleurs, des entretiens préliminaires entre autres, dans nos séminaires de samedi ou dimanche.